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  • Photo du rédacteurMuriel de Saint Sauveur

Pakistan, la révolte silencieuse des femmes

Lundi 20 février, j’arrive à Karachi au Pakistan. Je remplis le papier de débarquement pour passer la douane et je m’aperçois que si je coche la case « female » je dois donner le nom de mon père ou de mon mari.


J’ai l’impression bizarre de ne plus m’appartenir, rien qu’en regardant ce petit papier. Dehors la foule est intense, la circulation chaotique jusqu’ à l’hôtel et le nombre de passants se comptent sur les doigts d’une main. Peu d’hommes dans la rue encore moins de femmes. Des tenues variées les habillent, la traditionnelle tunique le kurta sur le pantalon et le châle assorti, certaines en abaya noire.


Je vais passer 3 jours dans cette ville totalement encadrée par les gens de mon bureau qui ne me laisseront jamais seule. Trop risqué me dit-on. Ainsi allons-nous d’ilot en ilot, hôtel, bureau, hôtel, avec voiture et chauffeur. L’impression est bizarre, la ville est immense, s’y succèdent des terrains vagues, des bureaux, un quartier de superbes maisons mais aucune vie, ni joie de vivre. Et pourtant Mazars a une superbe équipe de jeunes diplômés parfaitement bilingues, des filles non voilées, une crèche pour les enfants du personnel et l’atmosphère y est très sympathique.


Mercredi, départ pour Islamabad pour le débat que je dois donner sur mon livre « Un monde au féminin est-il meilleur ? ». La capitale est verte, construite autour de grandes avenues mais toujours aussi peu de monde dans les rues. Voitures, rickshaws colorés et bus multicolores rendent la circulation invraisemblable mais il manque les gens dans ce pays.


Jeudi, 50 femmes m’attendent au Serana Hotel. La plupart sont habillées de tunique et de pantalon et exercent un métier de haut niveau. Le débat commence par la lecture du Coran, je remarque que toutes les femmes se voilent les cheveux à cet instant sauf la femme du patron de notre bureau et moi. Aujourd’hui au Pakistan 70% des jeunes diplômées sont des filles. Elles s’accrochent, veulent un métier mais en même temps et ironie de la chose, plus elles sont diplômées plus elles ont du mal à trouver un mari. Car malgré ce score excellent, elles sont nombreuses à rentrer à la maison après avoir fini leurs études. Les garçons eux ont des soucis à se faire. Habitués à être traités comme les rois à la maison ils montrent peu de courage. Moyennant quoi les filles les dépassent. Est-ce pour les punir qu’ils préfèrent épouser celles qui auront décidé de les considérer comme des rois ? L’ambiguïté est forte.


D’un côté existent les femmes que j’ai rencontrées, exerçant une profession mais demeurant la femme responsable de la maison, d’un autre coté persiste dans les campagnes les filles mariées jeunes et sans éducation. Et pourtant ce que je comprends mais qui est invisible c’est qu’il existe une révolution silencieuse des filles, cachée derrière les murs des maisons.

La résistance, c’est se battre pour aller à l’école, imposer le choix de son mari, refuser d’être la femme de ménage de la famille, dédaigner l’obéissance consistant à servir les hommes. Et cette révolution silencieuse dont on me parle je la sens chez les jeunes étudiantes venues m’écouter. L’une a décidé de conduire seule, l’autre veut travailler, toutes écoutent bouche bée mon propos leur disant qu’elles doivent oser, que rien ne leur sera donné et que ce sera dur mais que la liberté en vaut la peine.


Ce moment de rencontre avec ces femmes pakistanaises est un beau moment, ce pays est une corruption vivante, chacun porte un flingue pour se protéger, les militaires sont partout et la sécurité draconienne.

Mais au beau milieu de toute cette angoisse, l’espoir de ces jeunes filles est un véritable élixir de vie que j’ai envie de partager avec vous. Car la leçon que j’en retire, c’est d’abord que ce pays est accueillant malgré sa police, qu’il a un potentiel incroyable si le gouvernement veut bien s’occuper de la population et que celle-ci est extraordinairement ouverte au reste du monde.


Les Pakistanais savent que nous avons une image déplorable de leur pays et font tout pour vous faire changer d’avis, allez-y cela en vaut la peine.

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