Tout commence par un groupe de femmes entièrement vêtues de noir et chantant sur un rythme chaloupé. On devine un chemin de terre, un village de montagne quelque part.
C’est une image impressionnante voire envoûtante que vous gardez en tête tout au long du film.
Elles se dirigent vers le cimetière où chacune d’entre elles compte un fils, un mari, un homme mort. Mort parce que la religion divise les hommes dans le monde et que le Liban est au cœur du sujet. Pourtant dans ce petit village des montagnes libanaises, chrétiens et musulmans partagent tout. Ils vont à l’école ensemble, travaillent ensemble, partagent les repas et se réjouissent ensemble lorsque la femme du maire offre sa télévision a la communauté. C’est à cause de cette télévision que le mal va arriver.
A Beyrouth il y a des émeutes entre deux communautés qui provoquent des morts. Les femmes ont peur de cette information, peur qu’elle réveille la colère chez leurs hommes et que le sang coule de nouveau. Alors elles vont tout faire pour qu’ils l’ignorent. Elles sabotent le fameux poste, elles coupent les fils de l’unique radio du village, elles vont même jusqu’à faire venir une troupe de danseuses ukrainiennes en espérant détourner l’attention de leurs hommes. Les filles en bikini et mini jupes auront beau faire, la tension est palpable et chaque mot ou geste entraine des violences verbales très vite suivies de violences physiques. Ils ne savent pas, les pauvres, répondre a leur peine autrement que par la colère.
La femme du maire tente une diversion en imaginant un miracle, la sainte vierge lui parle. Mais rien n’y fait. Chaque communauté affronte l’autre. La statue de la vierge est cassée, les chèvres rentrent dans la mosquée et saccagent les lieux de prière, l’imam et le prêtre ont beau essayer de s’entendre, la colère gronde malgré tout. Jusqu’au jour où le fils d’une d’entre elles est tué par une balle perdue lors d’une bagarre dans un autre village. Cette femme dont le premier fils est déjà mort, pleure le second. Mais elle a surtout peur de la colère du troisième s’il découvre le meurtre du petit. Alors elle cache cette mort et donne le change en inventant une maladie contagieuse. Son fils a les oreillons, il ne peut voir personne. Cela ne tient pas plus de deux jours et lorsque le fils ainé découvre la supercherie, il hurle qu’il va les tuer. Qui va t’il tuer ? L’autre, l’autre diffèrent et que l’on déteste pour cette raison. Sa mère prendra elle-même le fusil pour l’en empêcher. Jusqu’où iront-elles pour que la violence cesse de faire des ravages? C’est la question que l’on se pose tout au long de ce merveilleux film.
Elles iront jusqu’au bout, elles iront jusqu’à changer de religion pour faire cesser l’horreur. Les chrétiennes prennent le voile et prient, les musulmanes lâchent leurs cheveux et découvrent la liberté dans de jolies robes courtes. C’est la fin du film, les hommes sont dépassés par l’ingéniosité des femmes et se rangent à leur sagesse. Voilà un très beau film que tous les pays en guerre de religion devraient voir et surtout qui nous démontre que si les femmes avaient le pouvoir, le monde ne serait pas le même.
« Et maintenant on va où? » de la cinéaste Nadine Labaki, à voir de toute urgence.
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